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Jacques Trouvé/objets perdus
11 octobre 2014

La pluie d'été

La pluie d'été

En 1990, en postface de La pluie d'été, Marguerite Duras écrit :

 "En 1984, j'ai fait un film intitulé Les enfants.

Tout en écrivant le livre, j'ai fait une quinzaine de voyages à Vitry. Presque toujours, je m'y suis perdue. Vitry est une banlieue terrifiante, introuvable, indéfinie, que je me suis mise à aimer. C'est le lieu le moins littéraire que l'on puisse imaginer, le moins défini. Je l'ai donc inventé. Mais j'ai gardé les noms des musiciens, celui des rues. Et aussi la dimension tentaculaire de la ville de banlieue de plusieurs millions d'habitants dans son immensité - ce que je n'aurais pas pu faire avec le film. J'ai aussi gardé la casa des parents. La casa a brûlé. La mairie de Vitry a sérieusement parlé d'accident. J'oublie : la Seine, je l'ai gardée, elle est toujours présente, toujours là, superbe, le long des quais désormais nus. La broussaille a brûlé. Les routes qui longent la Seine sont parfaites, à trois voies. Le peuple étranger a disparu. Les sièges des entreprises sont devenus des palais. Le palais du journal “Le Monde” n'aurait pas tenu dans Paris, plus grand que celui de Bofill à Cergy-Pontoise. La nuit on a peur parce que les quais sont déserts. J'oublie encore : l'arbre est là. La clôture du jardin étant maintenant en ciment armé, haute, on ne voit plus désormais l'arbre tout entier. Je sais, j'aurais dû aller à Vitry et empêcher que l'on mette la clôture en ciment. Mais on ne m'a pas prévenue, que voulez-vous faire... On ne verra plus désormais que le haut de son feuillage et de cette façon il ne sera plus regardé par personne. Il semblerait qu'on le soigne bien, on a étayé ses branches, il est devenu encore plus grand, très fort. Il ressemble à un roi d’Israël.

J'oublie encore: les noms des enfants je ne les ai pas inventés. Ni l’histoire d’amour qui court tout au long du livre.

J'oublie aussi: le port s'appelle vraiment le Port-à-l'Anglais. La Nationale 7 est la Nationale 7. L'École s'appelle vraiment l'école Blaise Pascal.

Le livre brulé, je l'ai inventé.

M.D."

 

Pour ma (petite) part j'ai dessiné et peint “les gens” de La pluie d'été, la mère, Natacha, Ginetta…, Émilio, le père, Jeanne et Ernesto, les ainés, les brothers and sisters, des portraits de 105x160cm, au fusain et à l'acrylique, sur du carton d'emballage, façon “portraits de cour” pour en faire aussi, comme MD, des reines et des rois.

Les titres de chacun sont des phrases empruntées à son texte.

JeanneErnesto

13 Jeanne, fond jaune, Jeanne était restée muette après ce qu'avait dit Ernesto

14 Ernesto, fond jaune, lorsqu'ils auraient pu se regarder de nouveau ils avaient évité de le faire

On peut voir l'ensemble sur mon site ici

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5 octobre 2014

Ma préhistoire

dessin

Ma préhistoire

Toujours à propos de dessin

Je ne me souviens pas de ma préhistoire. J'ai oublié les deux grands étonnements de ma petite enfance :

Le premier : la trace que laisse sur le papier le crayon que l'on y déplace.

Le second : que ce gribouillage circulaire ponctué de deux frappes de crayon peut figurer (c'est le bon mot) un visage, un premier bonhomme !

J'ai oublié, comme l'humanité a oublié ces deux grands étonnements fondateurs de l'art, la trace du tison refroidit sur les parois de la grotte et la représentation du premier bison !

J'aime à penser que ce sont des enfants qui ont inventé le dessin et que le premier bison était un bonhomme !

Je ne me souviens pas de ces instants mais la fascination pour le dessin demeure comme celle que l'on peut éprouver devant le fleuve qui passe, le feu qui dévore, la nature, le paysage, le coucher du soleil, l'orage, les animaux, la nudité … toutes fascinations pour moi héritées de notre préhistoire.

Je ne me souviens pas non plus avoir appris à dessiner.

On me dit quelques fois que je suis doué ! Choisi parmi tous par les dieux ? Mais pour moi, les dieux n'existent pas, c'est juste une invention des hommes pour avoir moins peur, je sais bien que je n'ai pas de don, juste une différence de perception, un regard particulier sur l'espace et les couleurs, les matières, les pleins et les vides, l'horizontale, la verticale, le mouvement, le soleil et les ombres.

Je me souviens que mon colocataire de banc d'école, lui, annonçait ne pas savoir dessiner ! La grande majorité de mes camarades me nommait “toi qui sait dessiner”, je sus alors que je savais ! Je me gardais bien de leur dire qu'ils pouvaient en faire autant. Je devins donc un roi dans ce domaine, je me coiffais d'une couronne de papier, pris un fusain en guise de sceptre.  Je devins artiste !

Les parents affichèrent dès lors une incompréhension bienveillante et m'invitèrent à ne pas oublier l'importance de l'orthographe, de la grammaire et de l'arithmétique. L'Instruction Publique de la République confirmât et le Maître reléguât le dessin (libre disait-il !) au dernier créneau de la semaine, le vendredi de 16h à 17h. L'Histoire (de France) qu'il professait était celle des militaires et des batailles ou des grandes inventions. Celles de l'Impressionnisme ou du Cubisme n'en faisaient nullement partie.

 Mais je persistais et recouvre depuis ma culpabilité de mes dessins quotidiens.

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