Tous artistes !
État des lieux : il y a le Grand Livre, l'Histoire de l'Art avec tous les Grands-Peintres-Disparus et l'un des plus grands de tous a même une expression liée à son nom : quand certains ne comprennent pas une œuvre, ils disent : “c'est du Picasso !”
Il y a les Derniers-Géants, les Artistes-Contemporains, les Plasticiens, les Performeurs, les Artistes-Multimédia, les Artistes-Français, les Indépendants, les Peintres-Officiels-de-la-Marine, les Amis-des-Arts-d'Albi, les Peintres-du-Dimanche, ceux de la Semaine, les Figuratifs, les Abstraits, les Non-Figuratifs, les Naïfs, les Artbrutistes, les Singuliers, les Célèbres-Connus-Chers, les Inconnus, les Méconnus.
On parle du sens de la couleur, de possibilités, de potentiels, de talent et même de dons et de génie !
Il y a ceux qui veulent devenir Grands, ceux qui se considèrent comme tels, ceux qui participent aux courses de peintres et qui obtiennent des médailles, ceux qui s'en fichent, ceux qui copient sur le voisin, ceux qui singent, ceux qui inventent, ceux qui en vivent, ceux qui en meurent.
Et dans les Galeries, les Expos, les Monstrations, les Exhibitions, devant les Installations, pendant les Évènements, les Performances, les Biennales, les Triennales, les Rencontres, les Printemps des Sociétés-des-Beaux-Arts, des Salons annuels du Collectif, de l'Amicale, du Cercle, lors des Portes-Ouvertes des Écoles, des Ateliers, des Palettes, il y a ceux qui s'alignent, qui piétinent, qui font la queue, qui suivent, qui vont voir ce qu'il faut voir, qui regardent et qui admirent.
Il y aurait aussi, autre distinguo, les amateurs et les professionnels :
Amateur : le mot vient du verbe aimer ! Il désigne celui qui aime ! Celui qui s'adonne à une activité, artistique, sportive, pour le plaisir, sans en faire profession. De là à en conclure qu'il le fait moins bien que le professionnel, imparfaitement, qu'il manque de compétences et d'application, il n'y a qu'un pas ! C'est le sens de la réponse de Manet auquel Gauguin, qui n'a pas encore tout lâché pour se consacrer à la peinture, précise son statut d'amateur : “Monsieur Gauguin, il n'y a d'amateurs que les mauvais peintres !”
Professionnel : celui qui fait profession de son art ! Qui en tire un revenu ! Et ceci dès lors qu'il en tire un premier euro ! Et qui aussi, par opposition à l'amateur, est censé exercer cette activité avec un vrai métier, un maximum de compétences et d'application !
L'Art est partout ! Les files d'attente devant les expos sont interminables ! Et tout le monde pratique ! Enfin presque !
Statistiques du Ministère de la Culture en 2008 : 3 Français sur 5 (61%) n’ont jamais fait l’expérience de la fréquentation d’une galerie d’art au cours de leur vie. La proportion est très proche en ce qui concerne celle des expositions de photographie (64%).
Annuellement : 15% des français visitent les expositions de photographie, 15% visitent les galeries d'art, 9% les musées d'art moderne et contemporain.
La pratique amateur du dessin touche 14% de la population française de 15 ans et plus.
Celle de la peinture/sculpture/gravure : 9%.
Celle relevant de la création graphique/ordinateur : 9%.
Celle de la poterie/céramique/artisanat : 4%.
Il y a donc la foule immense de ceux qui n'entrent jamais voir, pas le temps, pas les moyens, pas le désir, pas l'occasion, pas le courage, pas pour eux.
Bon ! Allez ! Tout d'abord on apprend tous* à dessiner ! C'est possible ! On peut apprendre à dessiner (et à peindre) comme on peut apprendre à lire et à écrire !
Voir : Proposition n°1 : va falloir… apprendre à dessiner !
*bien sûr, on peut aussi opter pour un autre art ! Ce qui est possible avec le dessin doit bien l'être avec la musique, l'écriture, le théâtre…
Je sais (j'ai essayé!) que l'on peut convaincre chacun, par l'expérience, qu'il possède le même potentiel créatif que n'importe quel “artisse”, que tous bien sûr n'en feront pas le même œuvre, (il y aura toujours des Picasso, des Léonard, des Michel-Ange) mais au moins tous sauront ce qu'est cette drôle de manie préhistorique et en tireront d'indicibles plaisirs et d'incroyables enrichissements ! Et à partir de là, si la Grande Ignorance recule, les Artisses pourront de moins en moins faire les malins, certains vont commencer à avoir le vertige sur leurs fragiles piédestaux !
Et pour donner confiance, pour décoincer les fameux potentiels créatifs, pour montrer aux plus récalcitrants que c'est possible, qu'il suffit de s'y mettre, on irait, proposition n°2, frapper aux carreaux de quelques "arbrutistes" (l'expression est d'Alain Pauzié) aux portes des singuliers pour qui il n'y a ni bons ni mauvais dessins, ni croûtes ni chefs-d'oeuvre, pour lesquels il n'y a que nécessité ! A visiter d'urgence : le Palais Idéal de Ferdinand Cheval, le Manège de Pierre Avezard et la Fabuloserie, la Collection de l'Art Brut à Lausane, le Site de la Création Franche à Bègles, la Maison Picassiette à Chartres, etc.
Ci dessus, un "emballage" de Judith Scot
Voir : Regards Éblouis
Slogans pour une “nouvelle révolution culturelle” : Tous artistes ! Anartistes ! (Marcel Duchamp) Volez l'Art aux artistes ! J'en fais autant ! C'est beau de copier ! Pour un monde de Bruts ! Soyons Naïfs !
Une culture artistique véritable, la lecture d'une vraie histoire de l'art, “discipline qui a pour objet l'étude des œuvres dans l'histoire, et du sens qu'elles peuvent prendre, qui étudie également les conditions de création des artistes, la reconnaissance du fait artistique par le public, ainsi que le contexte spirituel, culturel, anthropologique, idéologique et théorique, économique et social de l'art” devrait utilement parachever le tableau !
Je n'invente rien, Marcel Duchamp, André Breton et les Surréalistes*, Joseph Beuys* et son idée de “sculpture sociale” et d'autres ont prôné cette idée du “tous artistes” :
*En s'appuyant sur Lautréamont pour qui « la poésie peut être faite par tous. Non par un », les surréalistes prônent une désacralisation et une démocratisation de la fonction artistique. L'artiste n'apparaît plus comme un personnage sacré, exceptionnellement doué pour son activité. L'art doit descendre de son piédestal pour investir la vie de tous les jours. Chaque homme, chaque femme, possède des virtualités créatrices entravées par la société mais qui ne demandent qu'à être mise au jour. Breton définit clairement ce qu'a été l'objectif du surréalisme : " Le propre du surréalisme est d'avoir proclamé l'égalité totale de tous les êtres humains normaux devant le message sublimal, d'avoir constamment soutenu que ce message constitue un patrimoine commun dont il ne tient qu'à chacun de revendiquer sa part et qui doit à tout prix cesser très prochainement d'être tenu pour l'apanage de quelques-uns. Tous les hommes, dis-je, toutes les femmes méritent de se convaincre de l'absolue possibilité pour eux-mêmes de recourir à volonté à ce langage qui n'a rien de surnaturel et qui est le véhicule même, pour tous et pour chacun de la révélation. Il est indispensable pour cela qu'ils reviennent sur la conception étroite, erronée de telles vocations particulières qu'elles soient artistiques ou médianimiques"
*"Chaque homme est un artiste " Beuys dit que cette thèse est sa contribution à l'histoire de l'art, et qu'il poursuit le travail de Duchamp, quand celui-ci a décrété n'importe quel objet oeuvre d'art . Cette affirmation est la base du travail social de Beuys, qu'il appelle " sculpture sociale ".
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