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Jacques Trouvé/objets perdus
15 avril 2020

lièvres de mars

lièvres de mars

journal du confinement mars avril mai 2020

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dimanche 15 mars nous allons voir ensemble les jardins refleuris et le naufrage du vieux monde lundi 16 mars sept lundis se faufilent dans la ville interdite / la semaine est annulée mardi 17 mars Robinson dans la rue / le dernier piéton de midi traverse le silence mercredi 18 mars déjeuner clandestin sur l'herbe / l'ennemi invisible de nos cordes vocales nous cherchera en vain jeudi 19 mars la bataille est lointaine / le front en est ailleurs / les nuages qui nous parviennent sont immaculés vendredi 20 mars la fin du monde provisoire va inventer les fenêtres et les balcons qui s'ouvrent sur l'insolente clarté samedi 21 mars après la guerre / juste armistice signée avec l'ennemi minuscule / les temps perdus seront rattrapés dimanche 22 mars contre les décomptes déprimés nous avons des matins florissants / nous élevons des barrières de musique

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lundi 23 mars et si d'aucun monde nous ne vivions la fin / si le vieil ordre ressortait de ses bunkers / si aucune couleur nouvelle n'avait été créée ? mardi 23 mars viendra le temps des trafiquants de panacées dressant leurs chapiteaux de pharmaciens et le retour aux fenêtres des clameurs de poésie mercredi 25 mars aux confins de nos antiques bastilles nous ouvrons de nouvelles fenêtres et accrochons nos peintures aux murailles virtuelles jeudi 26 mars un guerrier repenti veille sur la vitrine du 84 / Rimbaud y oublie en douce une saison en enfer que nul ne verra vendredi 27 mars les bêtes des fossés les oiseaux des berges les louves les renardes débarrassés des hommes se rapprochent du cœur des villes samedi 28 mars le geai nous tolère sur son territoire et accepte nos bectances / en rase motte au dessus de nos têtes souligne ses frontières dimanche 29 mars nous ferons de leurs dérogations des bateaux de papier / déposés sur le miroir du fleuve ils feront le tour du monde de nos peurs

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lundi 30 mars seules réponses de nos capitaines à nos cauchemars / nos rendez-vous avec les arbres sont réglementés / qu'auront-nous plus jamais ? mardi 31 mars le monde est donc un labyrinthe minuscule et fermé / l'issue sera de se réveiller sur un fragile matin de regain mercredi 1er avril les jours affichent une obscurité éclatante / blottis sous nos nuits blanches nous dormons au centre du temps détraqué jeudi 2 avril que sont devenus les guerres et les éruptions / les mariages princiers les luttes rouges et noires / à quoi rêvent nos voisins ? vendredi 3 avril monter plus haut sur un sentier de moutons / s'allonger sur le dos / rejoindre tellurique la civilisation fiévreuse samedi 4 avril aucun rivage salubre en vue / notre radeau médusé ne peut accoster / l'océan de nos lits insubmersibles est infini dimanche 5 avril notre besoin de sauvage remonte la rivière comme un Gauguin clandestin à la recherche des fontaines primitives

 

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lundi 6 avril nous déplions nos permissions dérisoires / les gardiens bleus avancent masqués / nous avalons en silence nos soupes de révoltes mardi 7 avril je souhaite que la grande lézarde qui ouvre la carcasse de leur Titanic doré l'envoie par le fond et que surnage une belle liberté mercredi 8 avril nos prisons admises nous encerclent / s'évader est déjà notre obsession unique / désarmés nous trafiquons nos maigres possibles jeudi 9 avril un mètre étalon sépare les animaux du carnaval / masqués de leurs craintes / un faux nez de clown arbore son fragile détachement vendredi 10 avril l'ennemi c'est l'autre / il sourit le traître il dit bonjour monde nouveau solidarité poésie et il change de trottoir samedi 11 avril nous sommes à quelques lunes de l'age d'or / nous aurons du pain doré comme les filles sous les soleils d'or / Léo va rater tout ça dimanche 12 avril piétons étonnés nous écoutons le silence gris / il n'est pas intégral / on ne perçoit qu'une absence de bruits

 

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lundi 13 avril le provident de la république est une grande personne qui nous indique le cap à maintenir / sa boussole est rouillée d'incertitudes mardi 14 avril nous devrons repousser nos frontières / nous devrons reprendre le pouvoir des mots / quels vont être nos colères nos courages et nos liens ? mercredi 15 avril le port et la date probable de l'accostage sont en vue / mais la peste est à bord et nous caressons les rats jeudi 16 avril nous rêvons de terrasses caniculaires et de gargotes au clair de lune / forums pour y asseoir nos moindres utopies vendredi 17 avril il construisait des marionnettes nouées entre elles par des mots bleus / leurs vies et la sienne ne tenaient qu'à leurs fils samedi 18 avril ceux là colmattent la grande lézarde / ils planifient un monde nouveau conforme à l'ancien / résister sera créer

 

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dimanche 19 avril à débarquer trop tôt la prochaine peur sera t'elle de renouer avec les solitudes de la foule et avec ses folies ? lundi 20 avril cloîtrés sous notre quête de la couleur absolue nous ne percevons plus le gris de la pluie et oublions la fièvre du reste du monde mardi 21 avril taureau d'avril c'est mon jour on me célèbre / le four cuit envers et contre tout des verbes à l'infinitif / revenir couvrir ajouter laisser mélanger / et au chocolat mercredi 22 avril nous respirons les rumeurs nous touchons les parfums nous écoutons l'obscurité des bourdonnements / l'éloignement nous rapproche nos prisons nous libèrent jeudi 23 avril pourrait-on s'habituer ? se barricader d'écrans et d'enceintes virtuelles ? produire des chlorophylles approximatives ? secréter le confort de coquilles calcaires ? Vendredi 24 avril ils vont ressortir de leurs bunkers / masqués de leurs évidences pour ne pas être reconnus / relancer la précieuse machine et se laver les mains samedi 25 avril nous allons reprendre nos autoroutes payantes vers les soleils dérisoires / pour voir la mer depuis la dune en respectant les distances réglementaires

 

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dimanche 26 avril mais un sauveur magnanime pourra venir / son chariot chargé de solutions prodigieuses / il est à craindre qu'il n'arbore une chemise brune lundi 27 avril la liberté de chacun reste circoncise dans un cercle d'un mètre de rayon / au-delà de cette limite nos tickets de tendresse ne sont plus valables / nous gardons au bord des lèvres le souvenir des baisers mardi 28 avril pas de rendez-vous sonores sous les canicules / aucun théâtre sous les ombrages / nous donnerons tout de même nos parodies irrévérencieuses au plus chaud de l'été captif mercredi 29 avril les partitions de la grogne sont dores et déjà imprimées : fanfares de lendemains qui chantent et dissonances de klaxons péremptoires jeudi 30 avril la solitude de l'océan va rester verrouillée / le silence de la montagne cadenassé / nous rédigeons nos laisser-dépasser leurs interdits vendredi 1er mai un grand plombier zingueur chante pour lui tout seul chante que c'est jeudi qu'il n'ira pas en classe que la guerre est finie et le travail aussi (Jacques Prévert ) samedi 2 mai le désir d'un monde nouveau est dans toutes les chansons / le poète maussade marmonne qu'il sera le même, en pire dimanche 3 mai les rivières s'engageront dans les rues délaissées / le lierre partira à l'assaut de la Tour Eiffel / les rescapés du désastre en seront les témoins ébahis

 

blockhaus x 5

 

lundi 4 mai le lourd paquebot de carton vit ses derniers jours en cale sèche / relance est inscrit en lettres de gouache sur ses flancs / sa coque calfatée de bandages solubles mardi 5 mai le monde nouveau tournera comme tout le monde / va t-on au moins colorer nos apéros tolérés de saveurs clandestines dans des maquis feutrés ? Mercredi 6 mai les commerces commerceront / on léchera leurs vitrines aseptisées / nous paieront sans contact nos caddies remplis de vanités superflues jeudi 7 mai j'ai peint le naufrage du vieux monde / dessiné ses lézardes funestes / nous en visiterons les épaves échouées sur les plages interdites vendredi 8 mai il faut désormais attendre / reculer pour mieux voir / plisser les paupières pour révoquer les détails / quelque chose devrait advenir samedi 9 mai la violence peut remonter des terriers / les vieilles colères voudront en découdre / miner les chevilles de farine du colosse titubant dimanche 10 mai nous allons voir ensemble les jardins refleuris l'insolente clarté des canicules blanches les clameurs de poésie de musique de danse le pain doré comme les filles les soleils d'or la couleur absolue le lierre à l'assaut des Tours Eiffel et le naufrage du vieux monde

 



 

 

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