nager être un poisson au dos pommelé de l'eau
nager
être un poisson au dos pommelé
de l'eau troubler les reflets de lac vert
accoster jeter l'encre dans un hôtel de canicule blanche
habiter une île une presqu'île une presqu'elle
un grain de beauté/de sable
verbe la rouille de mon voyage
danse sous les étoiles
des constellations de la louve et de la renarde
du bout de mon aile nageoire
comme un oiseau sauvage
rassembler abolir le temps divisé
Giacometti
Expo Giacometti au Musée Toulouse Lautrec à Albi
Alberto Giacometti, d'après modèle
mes notes
un très petit buste sur un énorme socle comme une tête réduite jivaro
ses figures au garde à vous bras ballants figés nues debout humaines
toutefois comme des déesses dit Jean Genet
un axe vertical toujours les traverse
il construit ses portraits à partir d'une croix
symétriques
il crayonne longtemps au centre du dessin jusqu’à user le feuille la percer
de petits dessins face profil dans le coin ou le bas d'une grande feuille
son dessin tourne autour des yeux il en fait des cibles
il semble ne pas lever le crayon et ne pas souvent regarder son papier
un portrait de René Char au stylo à bille penché comme une tour de Pise
qui écrit un poème dans sa tête
Annette, aimée, modèle, elle pose pendant des jours
au bout de trois elle ne se ressemble plus
il dit qu'à la fin il ne la reconnaît pas
si belle leur photo face à face
dans la vidéo il taille sa terre avec un canif ridicule ( j'ai le même ! )
il coupe retire remet creuse les orbites dégage les paupières
tout en parlant il parle des yeux il dit que c'est par les yeux que l'on connaît l'autre
( et moi qui ne dessine plus les yeux )
ses mains travaillent le buste symétriquement
quand il pousse la terre d'un coup de pouce à gauche il pousse tout autant à droite
le bloc d'argile et Alberto se regardent se palpent se modèlent réciproquement
et à la fin se ressemblent, un autoportrait chaque fois ?
il l' arrose à l'aide d'un banal broc en plastique
l'enveloppe d'un linceul humide et quitte l'atelier
puis c'est lui le mouillé il marche sous la pluie sa veste sur la tête rue d'Alésia
Cartier Bresson déclenche
La plus belle statue de Giacometti dit encore Jean Genet, je l'ai découverte sous la table, en me baissant pour ramasser mon mégot. Elle était dans la poussière, il la cachait, le pied d'un visiteur maladroit risquait de l'ébrécher ...
Et Giacometti dit : si elle est vraiment forte, elle se montrera, même si je la cache.
Jean Genet, l'atelier d'alberto giacometti
mon actualité : le Puy de Dôme
la montagne fière
( à chacun son Mont Fuji ... )
à l'horizon de mes genoux couronnés
le Puy est le sein d'une femme endormie
que j'escalade contre la montre
chaque juillet de Tour de France
Michel Cure
Michel Cure, Elles
Michel Cure dessine et peint d'après modèles, d'après Elles. Jeunes femmes, jolies dames, Michel les aime, c'est une évidence quand on visite son expo, tendrement, respectueusement. Et elles se sentent bien devant le pinceau de l'artiste, elles posent, confiantes, se savent aimées, acceptent de montrer leurs visages, leurs corps. Michel travaille au plus près, il cadre leurs visages au plus serré souvent et toujours se rapproche, tout contre, les embrasse. Leurs regards sont quelques fois perdus dans de silencieuses rêveries, souvent elles regardent le peintre les regarder, les peindre.
Et maintenant elles nous regardent dans la montée de l'Imagerie (qui est un ancien garage, les grands formats de Michel Cure sont accrochés dans la rampe qui conduisait les voitures à l'étage) On attaque l'ascension en regardant vers la gauche, les belles nymphes de Michel nous suivent et nous sourient discrètement. Leurs yeux sont clairs et bienveillants, démaquillés.
Il y a de beaux dessins, de beaux desseins, sous la peinture, les visages sont agrandis, sacralisés. Michel peint en jus, ̎ maigre ̎ comme on dit dans le jargon, essuie les glacis, avec un mauvais chiffon, il me semble, ( efface ? ) il pose ses couleurs en valeurs assez proches, oppose aux chairs, aux orangés subtils, aux ocres et gris chauds de somptueux fonds bleus. Un rayon de soleil s'est introduit dans l'atelier et réchauffe la nudité du modèle. Certains portraits sont ̎ poussés ̎ travaillés plus longuement, aboutis ? D'autres inachevés pourrait-on dire, d'autres ̎ résumés ̎, couleurs bien isolées, aucun passage de l'une à l'autre, Michel Cure sait rester en chemin, ce n'est pas si facile, lui y parvient.
Et les noirs de Michel Cure ! Une nuit en fond, une robe qui dévoile une épaule, un bandeau dans les cheveux, les noirs de Michel cure sont d'un velours et d'une profondeur qui me rend fou de jalousie ! Ma main s'en rapproche, mais je n'ose caresser la peau de la peinture de peur de gâcher sa matité. Les noirs nous attendent dans les grands formats abstraits qui, en bas, débutent l'expo. Dans lesquels Michel Cure prépare les atours destinés à magnifier ses belles amies.
Au terme de la montée, nous attend une dernière, diaphane, plus mystérieuse, à peine indiquée, ses yeux, sa bouche, esquissés, un reflet rapide posé au bout de son nez. Peut être la plus aimée.
Michel Cure, la géométrie amoureuse, à L'Imagerie, 33 bis rue Arago à Toulouse, jusqu'au 9 mai.
couleurs
Mots de couleurs
Le nez au plus près du tableau, je travaille sa peau, son épiderme, son odeur.
Voyelles de Rimbaud, apprendre par cœur : A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu.
Ma période bleue est un voyage outremer, ailleurs, vers les indigos bleus violets.
Michel Cure saupoudre mes incertitudes de cinabre de Pompéi : naît chien rouge.
Violet, vert, cherchent un orage, orange.
Bonnard jamais lassé du jaune. Plus un rose.
Petit pan de mur jaune fatal, on peut mourir de peinture ?
L'or pour sacraliser, faire Noël, couronnes des rois et des reines, Giotto chercheur d'or.
Le crayon à papier dessine sur les murs de plâtre, sous les papiers peints.
Souffler silencieusement sur le fusain primitif, caresse la paroi.
Le blanc recouvre, en-neige, le noir, sombre, en-nuit
Il y eut une nuit de plusieurs jours et la neige d'un seul hiver.
Noir tourne autour d'une couleur, la rend folle, l'épouse, elle meurt.
Valeurs égales, mon tableau peut disparaître, traduit en noir et blanc.
Souvent la couleur résiste et n'en fait qu'à sa teinte.
Serais-je toujours le seul à me souvenir du tableau cent fois recouvert ?
petite annonce
ma série de peintures "Mythes" comprend :
(cliquer pour suivre les liens vers le site )
chien rouge
blanches, nuit
dessins dans mes poches
chute et l'envol
équilibres antiques
avec tout ça je ferais bien une belle et grande expo
( ou plusieurs petites )
je cherche un lieu, une galerie, un grand palais, une pinacothèque, etc !
qui peut m'aider ?
merci de me brancher sur ce que vous connaissez
jacques trouvé
mon actualité ( équilibres antiques )
équilibres antiques
« Dans le tissu du poème doit se trouver un nombre égal de tunnels dérobés, de chambres d'harmonie, ainsi que d'éléments futurs, de havres au soleil, de pistes captieuses et d'existants s'entr’appelant. Le poète est le passeur de tout cela qui forme un ordre. Et un ordre insurgé. »
René Char ̎ Sur la poésie ̎
je viens, sur les conseils de René Char, de poser sur des cartons une série nouvelle d'assemblages, fortuits, bleus et roses, équilibres antiques, naufrages partiels, où une corneille, oiseau barbare, ailes dérisoires décrochées, traverse la mer sous un plafond bas et assemble des roulettes ridicules aux zincs des héros de l'Aéropostale.
au-delà de cette ligne de flottaison, le jour se lève, captif, rescapé.
chute et l'envol, Sophie Bach
Chute et l’envol
à la rencontre des images de Jacques Trouvé
( voir lien vers le site ici )
Donner des ailes
Ce qui est figuré nous renvoie au mythe, celui d’Icare, jeune homme grisé par l’irrépressible désir de s’élever. Icare dont les ailes furent brûlées par la chaleur de l’astre solaire, puni peut-être, enivré certainement, par la lumière et l’altitude. Raison perdue. Ce corps ailé se profile ici au féminin et coudoie une autre figure familière, le torse dressé de La Victoire de Samothrace. Le frottement de ces deux figures issues d’un lointain passé donne déjà le ton. Ce qui se joue ici est duel, résolument, suspendu, vibrionnant.
Cette aventure fébrile du mouvement, de la lumière et de la chaleur, l’artiste Jacques Trouvé nous la raconte en l’engageant sur son terrain, celui de la peinture, pour faire apparaître non pas tant une solution qu’une manière de suspendre (pour reprendre une formule de l’historienne de l’art Rosalind Krauss)
Détacher
Les éléments de ce corps ailé sont tout à la fois associés et détachés comme le sont les supports que l’on peut rapprocher ou disjoindre à loisir. Jacques Trouvé travaille sur des plaques de carton qu’il assemble au moment de l’accrochage. Sur le mur il dispose, il distribue les ailes, oriente les corps. Cet exercice déjà, défait les repères, nie la gravité. Ces associations de surfaces sont donc modulables, et si l’on devine les limites de cette combinatoire, ce dispositif ouvre ostensiblement la voie à la déclinaison et à la variation, c’est un mode opératoire qui exprime à lui seul une forme de liberté.
Ce sont aussi les formes qui se détachent du fond, ou est-ce l’inverse? Il est aussi difficile de distinguer le dessous du dessus que de situer le haut et le bas parfois, l’artiste procède par couches successives de peinture acrylique, des strates qui affleurent par endroit sous un badigeon pressé.
Décliner
L’usage d’un pochoir permet la reproduction à l’envi de cette silhouette dépourvue de tête et de bras, de ses ailes aussi. Lorsque les teintes se font terreuses, l’image des mains préhistoriques inscrites en négatif sur la paroi rocheuse nous reviennent à l’esprit, nous rappellent combien ce geste de marquage et de masquage est ancien, primitif.
Le pochoir, surface évidée que l’on peut déplacer, renverser, inverser, autorise à la fois la répétition et la variation. Cette matrice formelle dépouillerait la forme de toute profondeur, la réduisant à l’état de silhouette, si elle n’était relayée par la couleur, qui lui redonne chair. Le sensible, le chaotique, sont livrés nus, instables mais contenu dans cet espace délimité par le pochoir, comme s’il nous était donné de le voir à travers une petite fenêtre.
En suspens
Jacques Trouvé, par ses choix (l’exercice de la variation, l’usage de motifs identifiables mais changeants, le déploiement en série), nous livre des images en train de se faire. S’astreindre à des contraintes formelles (usage du pochoir, format rectangulaire du support, palette formelle et chromatique restreinte) libère l’expression. Ainsi avons-nous, face à ces images, la sensation d’assister à un exercice d’improvisation, rythmé, pulsatile.
Cette miraculeuse soudaineté de production que nous ressentons est réjouissante et illusoire.Cette illusion est rendue possible par l’introduction d’un désordre dans la couleur et la gestuelle, une inquiétude enthousiaste qui laisse penser que l’image jaillit sans effort, spontanément équilibrée et juste ( les propos en italique sont empruntés à Friedrich Nietzsche dans son ouvrage Humain, trop humain).
Sophie Bach