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Jacques Trouvé/objets perdus

5 octobre 2014

Ma préhistoire

dessin

Ma préhistoire

Toujours à propos de dessin

Je ne me souviens pas de ma préhistoire. J'ai oublié les deux grands étonnements de ma petite enfance :

Le premier : la trace que laisse sur le papier le crayon que l'on y déplace.

Le second : que ce gribouillage circulaire ponctué de deux frappes de crayon peut figurer (c'est le bon mot) un visage, un premier bonhomme !

J'ai oublié, comme l'humanité a oublié ces deux grands étonnements fondateurs de l'art, la trace du tison refroidit sur les parois de la grotte et la représentation du premier bison !

J'aime à penser que ce sont des enfants qui ont inventé le dessin et que le premier bison était un bonhomme !

Je ne me souviens pas de ces instants mais la fascination pour le dessin demeure comme celle que l'on peut éprouver devant le fleuve qui passe, le feu qui dévore, la nature, le paysage, le coucher du soleil, l'orage, les animaux, la nudité … toutes fascinations pour moi héritées de notre préhistoire.

Je ne me souviens pas non plus avoir appris à dessiner.

On me dit quelques fois que je suis doué ! Choisi parmi tous par les dieux ? Mais pour moi, les dieux n'existent pas, c'est juste une invention des hommes pour avoir moins peur, je sais bien que je n'ai pas de don, juste une différence de perception, un regard particulier sur l'espace et les couleurs, les matières, les pleins et les vides, l'horizontale, la verticale, le mouvement, le soleil et les ombres.

Je me souviens que mon colocataire de banc d'école, lui, annonçait ne pas savoir dessiner ! La grande majorité de mes camarades me nommait “toi qui sait dessiner”, je sus alors que je savais ! Je me gardais bien de leur dire qu'ils pouvaient en faire autant. Je devins donc un roi dans ce domaine, je me coiffais d'une couronne de papier, pris un fusain en guise de sceptre.  Je devins artiste !

Les parents affichèrent dès lors une incompréhension bienveillante et m'invitèrent à ne pas oublier l'importance de l'orthographe, de la grammaire et de l'arithmétique. L'Instruction Publique de la République confirmât et le Maître reléguât le dessin (libre disait-il !) au dernier créneau de la semaine, le vendredi de 16h à 17h. L'Histoire (de France) qu'il professait était celle des militaires et des batailles ou des grandes inventions. Celles de l'Impressionnisme ou du Cubisme n'en faisaient nullement partie.

 Mais je persistais et recouvre depuis ma culpabilité de mes dessins quotidiens.

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25 septembre 2014

lettre du fusillé

Nouvelles du front

Et pendant ce temps là, la guerre, la Grande, la Der des Ders, continue !

Les horreurs d'aujourd'hui font oublier la commémoration des horreurs centenaires !

Depuis septembre 1914 on a recours à l'exemple pour remettre au pas la troupe qui déjà grogne. La fleur au fusil est fanée depuis lurette ! Depuis les premiers jours de septembre quelques dizaines de poilus ont été fusillés par leurs potes et ce n'est qu'un début.

(Frédéric Henri Wolf débute la liste, fusillé pour l'exemple le 1er septembre 1914)

Alexandre porte plume

 

 

Ma très chère amie,

Ce matin, j’ai été fusillé, à sept heures trente. Mauvaise nouvelle. Nous sommes passés vingt-quatre au Conseil de Guerre hier soir et il a été retenu qu'on aurait abandonné nos postes devant l'ennemi et là c'est la peine de mort pour moi qu'ils ont tiré au sort, je ne suis pas plus coupable que les autres mais il leur fallait un exemple.

J'ai pas dormi cette nuit. Personne. J'avais pas de temps à perdre, j'avais tellement de choses à me rappeler. Il faisait froid.

Hier soir, j’ai pu écrire une dernière lettre. J’ai commencé comme ça : quand tu liras ces mots, quand cette lettre te parviendra, je serais mort, fusillé. Avec un bout de crayon qu'on m'a donné. Mon porte-plume mâchonné je l'ai perdu il y a longtemps. Je t'ai écrit mes dernières nouvelles.

Un matin comme ça, un dernier matin, je me rase pas, je m'étais dit cette nuit. J'avais pensé ça. Je me suis rasé. De prés. J'ai pris le temps même. Après j'ai bien rangé le sabre et le blaireau, je me suis coiffé. Je me disais : on aura la tête nue, je me fais une tête bien propre pour arriver devant le Bon Dieu. J'y crois pas beaucoup au Bon Dieu pourtant, Jean, il y croit, lui, et à toute son escouade de saints. Il dit que je les retrouverais ceux qui me condamnent aujourd'hui. Si ça peut l'aider.

Il y avait Jules dans le peloton qui m’encadrait, avec les baïonnettes aux canons, pour aller jusqu'aux poteaux où ils avaient réunis tous les régiments. Lecture faite des accusations, les aumôniers me disent leurs discours et même, ils m’embrassent moi, le mécréant. Après on m’attache les mains dans le dos et au poteau. On m’a bandé les yeux pour que je voie pas les copains qui me visent, pour que les copains qui me visent ne croisent pas mes yeux. Ils m’ont fait mettre à genoux, ou pas, je ne sais plus. Des fois, à ce qu'il parait, ils t’épinglent un carré de papier blanc sur le cœur, un carton comme à la fête patronale le premier dimanche d'août. On ne peut pas me rater !

Alors, l'adjudant a levé son sabre.

Là, il n'y a plus qu'à attendre qu'il l'abaisse, son putain de sabre, dans peu, dans une seconde, dans une heure, dans un siècle. C'est pour de vrai, on n'est pas dans la cour de la communale cette fois, je me dis,  je vais  vraiment perdre toutes mes billes. On attend qu'il gueule : feu !

Eux, nos potes, nos poteaux, (que des bleus !), tous pensent qu'ils vont tirer trop haut, au dessus de ma tête, dans la colline, dans le ciel ! Que leurs pruneaux feront le tour de la terre et viendront cueillir tous les gradés par derrière ! La belle affaire !  Ils vont tirer dans les étoiles, c'est sûr, les soixante douze fusils, et moi je vais pas en revenir  et on détachera mon bandeau et tous les régiments vont partir d'un grand rire devant ma bobine pâle comme la mort et mes yeux ravagés par la peur !  La bonne blague !

 

J'ai pissé

Transpercé mon carton, en plein dans le mille, dans le cœur d'Émile !

Pas un mot, pas un cri.

Un sous-officier passe me donner le coup de grâce, faute de grâce, au dessus de l'oreille, le canon de son pistolet à six centimètres ! Réglementaire ! Ça fait un bruit terrible !

Je n'ai plus peur.

Le major vient constater que je suis bien mort et le greffier signe son procès verbal.

Maintenant, ils défilent, toutes les compagnies, officiers, sous-officiers, soldats, devant moi, le renversé, le couché par terre et ils pleurent, la belle affaire, atterrés eux-mêmes, et le commandant du cinquième qui ordonne à chacun  de lever la tête ! Il en est un qui est tombé en pressant sa gâchette et qui est resté malade et qui disait : laissez moi je suis un assassin !

Ma montre, mon porte monnaie avec cinquante francs, mon couteau, un briquet, un caillou de chez nous, tes lettres, toutes tes lettres, en un seul paquet sur mon cœur, avec des trous dedans maintenant, j'espère qu'il te feront parvenir tout ça.

Quand même, je pensais bien éviter de périr déjà, j'avais réussi à circuler facilement entre les mitrailles jusque là.

Je me voyais revenir pour embrasser tes yeux, toucher tes seins et que ma première fois ce soit avec toi.

Je te rends la parole que tu m'as donnée de m'aimer toujours et de n'aimer que moi.

Je suis enterré ici.

 

La lettre du fusillé a été en partie inspirée par les derniers courriers postés par des fusillés pour l'exemple entre 1914 et 1918

Elle faisait partie du spectacle "Mauvaise nouvelle" présenté dans le Tarn en 2009 et 2010

Alain Cornuet (mise en scène) Roland Ossart (son) et Matthien Gaudeau (acteur) s'en souviennent

 

12 septembre 2014

Sivens S'engager

Sivens

S'engager

 On déboise la forêt pour construire un barrage et on assassine tous les habitants de l'herbe, de l'eau et des arbres à Sivens dans le Tarn pour satisfaire les besoins en eau d'une poignée de maïsiculteurs et les ambitions du Président du Conseil Général du département.

La ZAD de Sivens (Zone d'Aménagement Différé) a été rebaptisée ici (comme à Notre-Dame-des-Landes) ZAD (Zone À Défendre) par les militants qui tentent par divers moyens d'empêcher le massacre.

Ce sont des jeunes filles, des jeunes gars, de l'âge de mes gamins, ils ont tous les courages, ils vont au contact des gardes mobiles pour protéger leurs copains, ils sont gazés, ils prennent des coups violents, ils ne reculent pas, ils opposent leurs corps à l'avancée des machines de déboisement, ils s'enterrent sur leur passage, ils s'installent des jours et des nuits entières dans les arbres au risque de s'abattre avec eux.

D'autres, qui ont mon âge, ont cessé de s'alimenter depuis plus de 15 jours maintenant.

C'est un vrai combat, une belle et bonne cause à mes yeux.

Ils m'appellent, ils nous appellent, ils me demandent de faire du nombre, de résister, d'empêcher.

Ils ne me culpabilisent pas en même temps, ils disent que chacun peut faire ce qu'il peut, selon ses moyens.

J'avais l'alibi des kilomètres pour Notre-Dame-des-Landes et d'autres combats. Mon petit coin de Tarn était jusque là calme et protégé, ou bien mes oreilles en panne, les revendications de Sivens datent de plusieurs années.

Sivens, c'est à deux pas. Les franchir pour un pique-nique citoyen un dimanche de soleil, gardes mobiles et machines-dinosaures absents, retrouver des amis, une famille de convictions, se compter, signer les pétitions et rentrer chez soi, c'est facile. Le lundi matin les engins reviennent et leurs escortes de GIGN et de polices spéciales et avec eux la violence. Je n'y suis pas. Les excuses que je me fournis avancent une arthrose au genou, un ou plusieurs "trucs" à faire, un rendez-vous important, etc.

Bon, quand même, j'écris sur ce blog, je diffuse les infos. Pas si mal. Je sauve un ou deux brin d'herbe…

Le massacre de la forêt de Sivens et la répression si violente et si incroyable qui s'y installe est donc pour moi l'occasion de me poser pas mal de questions :

Je me demande un peu ce qu'il reste de mes vingt ans fêtés en 1968, de mes rêves libertaires ? Quels furent mon engagement et ma résistance cette année là ? Et depuis ? Je me dis fier de n'avoir pas mis les doigts dans les engrenages du système en choisissant de "faire l'artiste". Ce fut peut être une manière de résistance. Ce fut peut-être une fuite, etc…

C'est surtout l'occasion de me demander ce dont je vais être capable/incapable de faire pour résister (prochainement?) à un futur pouvoir démocratiquement élu par une majorité de mes voisins !

 

Pour en savoir plus :

https://tantquilyauradesbouilles.wordpress.com/

http://www.collectif-testet.org/index.php

https://www.youtube.com/watch?v=92_TeKgVQEE

 

 

 

30 août 2014

Francisco Bajen

Hommage à Francisco Bajen, mort cette semaine (102ans) qui fut mon voisin, dont j'aimais la conversation et la peinture, qui me fit le plaisir d'aimer la mienne.

attention au chat

30 août 2014

Femmes gravent

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Femmes gravent !

À l'Échappée, notre lieu d'expo à Villeneuve sur Vère, nous avons réuni quatre femmes qui n'ont pas peur du noir, qui rayent le métal pour tirer sur le papier blanc quelques chefs d'œuvre d'encre !

 

L'une des techniques de gravure (il en existe plusieurs) consiste tout d'abord à entailler une plaque (de métal la plupart du temps, cuivre, zinc, acier, mais aussi tous autres matériaux qui le permettent)  

Pour ce faire tous les moyens sont bons : des outils, comme une simple pointe sèche, des burins de toutes sortes, mais également divers produits "mordants" capables d'attaquer le métal sur une même faible profondeur.

Ainsi "creusée" la plaque est grassement recouverte d'une encre qui ira se loger au creux des sillons. Il restera à l'essuyer en surface en prenant soin de ne pas vider ces tailles.

La presse du graveur est une table qui circule entre deux rouleaux : on y dépose la plaque, on place par-dessus une feuille de papier humide. La pression doit être suffisante pour "démouler" l'encre contenue au fond des tailles et ainsi reproduire le dessin sur le papier. On recommence le processus pour chaque tirage.

 

Martine Bénabou, Françoise Berthelot, Bilitis Farreny et Marité Fournier gravent !

Marité Fournier utilise la gravure pour dire son attachement au paysage, aux saisons, aux grands arbres d'hiver et à la nuit. Ses aquatintes sensibles, doucement colorées, descendent les escaliers de Gentilly, font les brumes ou les canicules au-delà des persiennes.

Bilitis Farreny travaille au noir ! Ses "bêtes" bienveillantes aux oreilles pointues, au pelage de velours ne réussiront pas à peupler nos cauchemars, ni les cheveux de pointe sèche de ses personnages de contes. Un soleil écarlate vient envahir certains de ses tirages.

Martine Bénabou, dont on pourrait qualifier la démarche de "contemporaine (mais elle sait comme moi que cela ne veut rien dire) joue avec l'idée de percée, de trou, de fenêtre, de matière et d'absence, de lointains et de proximités, d'ombres et de soleils.

Françoise Berthelot, qui utilise aussi la presse à gravure pour coller, retrouve le vocabulaire de formes de ses assemblages : le cercle des Peaux-Rouges et ses fils tendus, leurs "plumes". Les diagonales de ses compositions font se lever un vent en rafales qui emporte le trait. Ses tirages sur papiers antiques jaunis nous embarquent également !

 

C'est une expo brève : du samedi 30 août au dimanche 7 septembre 2014

L'Échappée est ouverte de 15h à 18h30 les samedis et dimanches,

Sur rendez-vous les autres jours : 05 63 56 87 43

On "vernit" l'installation vendredi 5 septembre à partir de 18h.

(on partage vos spécialités salées ou sucrées, nous on s'occupe des boissons!)

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16 août 2014

La poubelle du labo

photo poubelle

La poubelle du labo

J'ai fréquenté, au temps de l'argentique, un labo collectif, ses bains révélateurs sous le rouge inactinique.

L'érotisme était en miettes, au fond de la poubelle…

Voir l'album : la poubelle du labo

8 août 2014

Bissière, le passeur+Louttre

Bissière

 

Bissière, le passeur

J'ai vraiment connu le travail de Roger Bissière à l'expo de la Maison des Arts de Cajarc en 1990. Mes modestes recherches abstraites de cette époque étaient mystérieusement en concordance avec ses peintures, alors que je ne le connaissais pas, ou bien mal en tous cas, que je ne pensais pas à lui à ce moment là. Je me reconnaissais pourtant sous son influence !

Enrichi de la vue des Bissière de Cajarc, j'ai continué mon voyage non figuratif  d'îles en îles en faisant d'infinies découvertes. Bissière a été pour moi, pendant ces traversées, un passeur attentif.

Plus tard, mon amie lotoise Clémentine m'organisa d'abord une ballade autour de la maison de Bissière à Boissiérette, à Marminiac (énormes blocs de pierre taillés dans les bois environnants, pierres levées comme à Carnac, temple de l'amour aux fresques roses, reste de champs de girouettes…) et une exposition non loin de là, à Montcuq.

Un Bissière était toujours propriétaire de la maison, son nom était inscrit sur la boîte aux lettres : M.A.Bissière. Je l'ai invité par l'envoi d'une enveloppe peinte au vernissage de mon expo à Montcuq. Il n'est pas venu. Mais il m'a répondu par retour du courrier, il n'était pas disponible mais il m'invitait à son tour à Boissièrette !

C'était Louttre B. doux géant au physique d'acteur américain, qui me fit visiter pièces par pièce la maison de son père et tous les recoins de son jardin. Trop intimidé pour lui poser les bonnes questions, je respirais néanmoins ce jour là le plus lentement possible avec une application toute particulière pour ne jamais oublier ce moment !

Louttre me parraina en 94 et 95 pour accrocher à Réalités Nouvelles.

 

Un grand choix de tableaux de Roger Bissière sont installés au Musée de Lodève jusqu'au 2 novembre 2014.

L'expo se nomme "figure à part".

 

Bissière2

 Bissière à écrit :

Je ne vais pas dans un musée ou une exposition pour voir des tableaux mais pour y rencontrer des hommes. Mais qu'ils sont rares les hommes.

On rencontre plutôt des prestidigitateurs, si élégants, si aisés… Ils n'ont rien dans les mains, rien dans les poches et ils le réussissent à chaque fois, leur tour.

Chacun son goût.

Moi j'aime mieux ceux qui le ratent parfois. Ceux qui ne font pas toujours le même.

Qui en essayent chaque jour un autre, inconnu, dangereux, au risque de se casser les reins. Ceux qui ne peuvent apercevoir une porte sans avoir envie de regarder derrière, même si derrière il y a des pièges à loup.

Il y aura toujours une place dans mon cœur pour ces œuvres pas tout à fait abouties, oscillantes, mais où je sens passer un instant quelque chose qui me fait penser à un ami.

La perfection, oui, c'est très bien. Mais ça me fait peur.

C'est comme le paradis, rien de plus effrayant.

 Bissière/T'en fais pas la Marie/écrits sur la peinture 1945-1964/Le temps qu'il fait/éditeur

29 juillet 2014

Vest Pocket Kodak

 

 

La der des ders

Nous y sommes ! C'est dimanche ! Dimanche 3 août, c'est la guerre ! La Grande ! La 1ere Mondiale ! La der des ders ! (En 1914, c'était un lundi)

Le 31 juillet Villain assassine Jaurès. (Il passe la guerre en prison et il sera acquitté en 1919 ! Il vivra jusqu'en 1936 où il sera exécuté par les anarchistes Barcelonais à Ibiza ! On ignore s'ils connaissaient son histoire.)

Le 1er août c'est la mobilisation générale et le 3 l'Allemagne déclare la guerre à la France.

Ça va durer quatre ans !

Les photos sont interdites sur le front mais le si petit Vest Pocket Kodak Autographic (que cachent dans leurs poches quelques gradés fortunés dès janvier 1915) passe inaperçu !

photo kodak

le kodak ok

illustrez

il est léger

valeur des photos

vues

17 juillet 2014

Ernest Pignon Ernest

photo

Ernest Pignon Ernest, hors les murs

 

J'aurais bien aimé croiser Arthur Rimbaud, avec son veston sur l'épaule, adossé à un vieux mur lépreux dans Paris. Rimbaud ou des lambeaux de Rimbaud, des restes de papiers déchirés par le vent et les pluies, sérigraphies collées par Ernest Pignon Ernest. Ou Maurice Audin dans les rues d'Alger, ou les communards assassinés, Pasolini de même, les expulsés, etc.

Ernest Pignon Ernest dessine (comme les Grands, les Michel Ange, les Léonard !) les poètes maudits, les condamnés et les inconnus, grandeur nature, debout, en situation, et colle ensuite la reproduction sérigraphiée du dessin sur les murs où ils vivaient, les cours des prisons où ils mouraient, dans les impasses où ils ont disparu, dans les cabines téléphoniques où ils se réchauffaient.

A défaut, j'ai vu dernièrement les grands dessins au fusain et à la pierre noire d'Ernest, les originaux, les études avant leurs sorties dans la rue, les ruines, les soubassements humides, les cages d'escaliers démolies.

En exposition, dans un musée bien propre aux murs impeccables, sous vitres, avec des cartels qui indiquent la date, la technique et “étude pour”. Et à côté, sur aluminium, les clichés luxueux du collage en situation à Soweto ou ailleurs, avec les gens qui passent, les gamins qui se bousculent pour être sur la photo.

Bon, c'est mieux que rien. Ce n'est pas la vraie rencontre avec les fantômes dessinés, mais c'est une sacrée leçon de dessin !

Pignon Ernest dessine très “Beaux Arts”, classiquement, académiquement pourrait-on dire, fusain, pierre noire sur du papier blanc, estompage les mains toute noires, cherche les lumières à la gomme mie de pain (il a une gomme qui fait des rayures claires, des hachures dans le noir et qui crée donc des gris, des demi-teintes !)

Il interroge l'Histoire de l'Art, copie le Caravage et les Maîtres dans les musées, tout ça est très démodé, limite ringard !

Puis il reproduit ses dessins avec les moyens d'impression actuels pour les installer ensuite non pas dans une galerie aux parquets flottants mais sur les façades les plus reculées, sur des murs de fusillés dans des recoins d'Histoire !

Et ceux là qui n'entrent jamais dans les temples de la Peinture voient ses héros de papier, les reconnaissent parce qu'ils sont des leurs et les saluent !

Cette sortie du dessin dans la rue, dans la vie, est une démarche infiniment militante, politique et contemporaine !

Et Rebeyrolle, qui dessine comme son chien, contemple son invité avec un sourire malicieux.

 

Ernest Pignon Ernest, “Hors les murs”, Espace Paul Rebeyrolle à Eymoutiers 87120

Jusqu'au 30 novembre 2014

7 juillet 2014

La poésie du bitume

photo listes

La poésie du bitume

J'ai longtemps traversé la ville en fixant le macadam ou le ciment du trottoir. Et ramassé les papiers, nombreux. Pas n'importe lesquels, ceux où je décelais une écriture manuelle. C'était souvent une liste de courses, jetée. Ou perdue. Ou d'autres mots, doux ou fins mots, petits mots, papiers ouverts ou pliés, lettres déchirées, etc.

voir l'album

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