Ernest Pignon Ernest, hors les murs
J'aurais bien aimé croiser Arthur Rimbaud, avec son veston sur l'épaule, adossé à un vieux mur lépreux dans Paris. Rimbaud ou des lambeaux de Rimbaud, des restes de papiers déchirés par le vent et les pluies, sérigraphies collées par Ernest Pignon Ernest. Ou Maurice Audin dans les rues d'Alger, ou les communards assassinés, Pasolini de même, les expulsés, etc.
Ernest Pignon Ernest dessine (comme les Grands, les Michel Ange, les Léonard !) les poètes maudits, les condamnés et les inconnus, grandeur nature, debout, en situation, et colle ensuite la reproduction sérigraphiée du dessin sur les murs où ils vivaient, les cours des prisons où ils mouraient, dans les impasses où ils ont disparu, dans les cabines téléphoniques où ils se réchauffaient.
A défaut, j'ai vu dernièrement les grands dessins au fusain et à la pierre noire d'Ernest, les originaux, les études avant leurs sorties dans la rue, les ruines, les soubassements humides, les cages d'escaliers démolies.
En exposition, dans un musée bien propre aux murs impeccables, sous vitres, avec des cartels qui indiquent la date, la technique et “étude pour”. Et à côté, sur aluminium, les clichés luxueux du collage en situation à Soweto ou ailleurs, avec les gens qui passent, les gamins qui se bousculent pour être sur la photo.
Bon, c'est mieux que rien. Ce n'est pas la vraie rencontre avec les fantômes dessinés, mais c'est une sacrée leçon de dessin !
Pignon Ernest dessine très “Beaux Arts”, classiquement, académiquement pourrait-on dire, fusain, pierre noire sur du papier blanc, estompage les mains toute noires, cherche les lumières à la gomme mie de pain (il a une gomme qui fait des rayures claires, des hachures dans le noir et qui crée donc des gris, des demi-teintes !)
Il interroge l'Histoire de l'Art, copie le Caravage et les Maîtres dans les musées, tout ça est très démodé, limite ringard !
Puis il reproduit ses dessins avec les moyens d'impression actuels pour les installer ensuite non pas dans une galerie aux parquets flottants mais sur les façades les plus reculées, sur des murs de fusillés dans des recoins d'Histoire !
Et ceux là qui n'entrent jamais dans les temples de la Peinture voient ses héros de papier, les reconnaissent parce qu'ils sont des leurs et les saluent !
Cette sortie du dessin dans la rue, dans la vie, est une démarche infiniment militante, politique et contemporaine !
Et Rebeyrolle, qui dessine comme son chien, contemple son invité avec un sourire malicieux.
Ernest Pignon Ernest, “Hors les murs”, Espace Paul Rebeyrolle à Eymoutiers 87120
Jusqu'au 30 novembre 2014