révolution mai 68
révolution
( un poème de Jacques Prévert que j'ai écrit moi même en mai 68 )
encercler l'ennemi sans faire de bruit
à contre jour à contre cœur
agiter avant de s’en servir
puis marcher sur Paris
en chantant au coin des provinces
les berceuses rouges des faubourgs
frapper ou sonner selon le cas
aux portes de la ville
faire peur au concierge
ne pas réveiller les enfants
demander à un agent la place centrale
et l’hôtel de ville
semer la panique et l’indignation
dans les rues traversées
faire courir des bruits inquiétants
dans les autres
ne pas dépasser les doses prescrites
penser à sa pauvre mère
parvenu au cœur de l’objectif
demander le silence et un micro
parler à la foule de choses et d’autres
de la pluie et du beau temps qui est revenu
répondre gracieusement aux aclamations
défendre la veuve et l’orphelin
tenir les siens en liesse
promettre un aérogare et des commodités
puis courir aux Tuileries en wagon plombé
séquestrer le roi le petit mitron
la boulangère et les écus
ne pas oublier de crier vive le roi
et encore le roi boit
le soir venu sortir un peu dans les jardins
être poli avec la reine mère
ne pas marcher sur les pelouses
songer à prendre du pain et éteindre le gaz
s’endormir très tard en héros et sans chemise
mettre son réveil pour huit heures
ne pas avaler
le lendemain songer à proclamer la république